Dans la transition du primaire vers le secondaire, votre enfant entame un pas vers un monde inconnu et rempli de nouveautés, non seulement sur le plan scolaire, mais sur les plans psychologiques, biologiques et sociaux. De grandes demandes d’adaptation pèsent alors sur les épaules des jeunes qui peuvent avoir l’impression que tous les projecteurs sont tournés vers eux. Ce contexte est propice à faire émerger des inquiétudes et des doutes quant à la capacité de répondre aux attentes, de réussir et de performer. Cette crainte d’échouer, d’être jugé ou de décevoir autrui est souvent associée à l’anxiété de performance.
Qu’est-ce que l’anxiété de performance?
L’anxiété de performance se déclinerait en trois composantes principales : la présence de cognitions négatives (surestimation des conséquences de l’échec, discours interne invalidant), des manifestations physiologiques (maux de tête, nausées) et divers comportements tels que l’évitement de la performance, la procrastination, la recherche de réassurances, des comportements de vérification, etc.
Ainsi, même un élève porté à procrastiner ou à ne pas s’appliquer dans ses travaux peut le faire en raison d’une anxiété de performance. Bien que ceci puisse paraître contre-intuitif, des stratégies d’autosabotage ou d’autohandicap sont des réactions courantes, mais généralement inconscientes, face à la peur de l’échec. Le fait d’éviter ainsi de se soumettre à une réelle évaluation des compétences peut soulager momentanément l’anxiété (par exemple, l’élève peut se dire : « Ça va, j’aurais été meilleur si j’avais mis plus de temps… »).
Par ailleurs, de telles stratégies ne font qu’accroître, à moyen terme, les doutes de l’élève sur sa propre compétence (par exemple : « serais-je vraiment capable de faire mieux en fait? ») et les chances qu’il utilise à nouveau des stratégies d’évitement ou d’autosabotage dans le futur. En ce sens, on pourrait dire que l’anxiété de performance induit des cercles vicieux.
De même, des comportements d’hypervigilance, de vérification et de recherche de réassurances peuvent induire une dynamique similaire. En effet, le surinvestissement de la matière peut, en plus d’être une stratégie très énergivore, inciter le jeune à associer ses bons résultats à ses comportements anxieux, par exemple : « c’est parce que je suis autant sévère envers moi-même que je réussis aussi bien ».
En ce sens, on pourrait dire que l’anxiété de performance peut être égosyntone, c’est-à-dire, en accord avec les croyances du jeune. Dans de tels cas, l’élève peut être réfractaire à travailler pour faire diminuer son anxiété puisqu’elle est associée à un idéal de performance à conserver. En d’autres termes, ces élèves évitent de ressentir l’inconfort qui surviendrait s’ils se présentaient à un examen en étant simplement « suffisamment » préparés.
Quelles sont les conséquences de l’anxiété de performance?
S’il est clair qu’un niveau optimal de stress peut accroitre la performance à une tâche ou à un examen, il en est tout autre de l’anxiété de performance. Deux théories illustrent d’ailleurs ses effets contre-productifs: la théorie de l’interférence et la théorie et du déficit des habiletés (Paterniti, 2007). La théorie de l’interférence postule qu’en situation d’étude et en situation d’examen, le discours interne de l’élève interfère avec la qualité de l’encodage de l’information et avec la recapture de l’information en mémoire.
L’hypervigilance en contexte d’examen peut également mener certains élèves à « se compliquer la vie » en cherchant un sens plus profond que nécessaire aux questions demandées. On peut aussi penser à l’effet négatif d’une emphase trop importante sur la mémorisation d’éléments sans favoriser une réelle intégration ou une vue d’ensemble. Ensuite, la théorie du déficit des habiletés est en lien avec les cercles vicieux identifiés précédemment qui mènent les élèves anxieux à développer des stratégies d’études généralement moins sophistiquées et à maîtriser moins bien la matière. On peut penser ici à une mauvaise gestion du temps, à de la procrastination ou à d’autres stratégies d’évitement qui nuisent à la performance tout en renforçant la peur d’échouer.
Anxiété de performance dans la transition au secondaire
La transition au secondaire est le théâtre non seulement d’une adaptation à un nouveau milieu scolaire, mais aussi à une foule de changements sur les plans biologique, psychologique et social (Ali et Paquette, 2020). Ainsi, les capacités adaptatives du jeune sont sollicitées de toute part au moment même où des besoins d’affiliation sociale accrus incitent à vouloir passer inaperçus ou encore, à projeter une image d’aisance et de facilité. Lors de la transition au secondaire, l’anxiété de performance évolue, mais le refrain reste sensiblement le même. Le stress face aux tests d’admission, la crainte de vivre un refus, la peur de décevoir, le sentiment d’imposture, etc. Ce sont là des réactions tout à fait normales, mais qui prendront des proportions démesurées chez les jeunes anxieux. Accompagner son enfant à travers les méandres de ce processus est un défi qui sera différent pour chaque enfant et pour lequel on ne saurait appliquer de recette. Quelques points de réflexion sont toutefois offerts en guise de repères à considérer.
10 RECOMMANDATIONS POUR ATTÉNUER L’ANXIÉTÉ DANS LE PASSAGE AU SECONDAIRE
Porter attention aux signes contre-intuitifs de l’anxiété de performance. Un enfant qui procrastine, qui se montre démotivé ou blasé face au secondaire peut, contrairement aux apparences, entretenir des idéaux de perfectionnisme irréalistes et paralysants. Les remontrances, les critiques ou les accusations de paresse peuvent alors facilement confirmer la croyance d’incapacité et alimenter ainsi la procrastination et l’autosabotage.
Écouter les craintes de votre enfant par rapport au secondaire et prendre le temps de valider les défis inhérents à cette période avant de transmettre des conseils. Le fait de se sentir incompris ou parfois même jugé pour des peurs irrationnelles peut alimenter le sentiment d’incompétence et la faible estime de soi. Le fait de normaliser les difficultés ou les échecs montre aussi à votre enfant que vous ne portez pas de « lunettes roses » et qu’il peut faire confiance à votre perspective.
Une personne perfectionniste et anxieuse peut s’avérer très sensible au jugement. Même le fait de mettre le doigt sur l’anxiété de performance peut induire une réaction défensive et contre-productive (la chose étant perçue comme une nouvelle faille à tenter de dissimuler). Une première étape peut être de porter attention aux modèles de performance ou à la présence de « non-dits » dans l’environnement du jeune afin d’éviter que ce dernier reçoive des messages contradictoires.
Communiquer à votre enfant une estime, une fierté et un amour indépendants de ses succès scolaires.
Présenter le choix d’un milieu scolaire comme un ajustement entre l’enfant et l’école. Ainsi, un test d’admission échoué nous informe que ce milieu n’est pas nécessairement ajusté aux besoins ou aux intérêts du jeune.
Mettre l’accent sur la valeur des apprentissages et de l’effort plutôt que sur la performance.
ON PEUT AUSSI RELATIVISER LA PEUR DE L’ÉCHEC DE DIFFÉRENTES MANIÈRES:
L’échec est essentiel à l’apprentissage et à la remise en question.
La peur de l’échec nous mène souvent à envisager des scénarios exagérés ou irréalistes. De plus, nous tendons à sous-estimer notre capacité à rebondir et à être résilient après un échec.
Les tests et les examens ne sont pas nécessairement le reflet de l’intelligence d’une personne et encore moins de sa valeur intrinsèque. Comme disait le philosophe Montaigne : « Une tête bien faite vaut mieux qu’une tête bien pleine».
Réduire la perception de nouveauté et d’imprévisibilité qui nourrit l’anxiété de performance (CTREQ, 2020). Par exemple, en parcourant le site web de la future école, en organisant une visite, en discutant avec un proche qui connaît le milieu, etc.
Amoindrir l’effet d’interférence de l’anxiété de performance en développant des habiletés de gestion du stress. Plusieurs de ces techniques sont disponibles sur des applications mobiles ou sur YouTube.
Techniques de respiration (le Jacobson, technique de l’ascenseur, les 10 respirations profondes, etc.)
Techniques de pleine conscience (le scan corporel, méditations guidées, etc.)
Yoga ou autre activité physique/sport
Se donner une pression de moyens (exemple : étudier 45 minutes par soir) plutôt qu’une pression de résultat (exemple : avoir 80%). Ceci peut également contribuer à réduire l’étude « anxieuse » souvent contre-productive.
Amoindrir les déficits d’étude associés à l’anxiété de performance en aidant le jeune à se motiver par le biais d’objectifs SMART qui peuvent contribuer à lui donner un sentiment de réussite et de compétence.
CES OBJECTIFS DOIVENT ÊTRE:
Spécifiques : objectif clair et compris par tous
Mesurables : des repères de réussite sont définis
Atteignables : des moyens réalistes sont disponibles pour atteindre l’objectif
Réalistes : tenir compte des contraintes et des imprévus
Temporels : préciser un échéancier
TEXTE de François Royer, doctorant en psychologie chez Parcours d’enfant
RÉFÉRENCES
Ali, D. A. et Paquette, D. (2020). La transition du primaire vers le secondaire. Quintessence, Volume 11, No 12.
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). doi: https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596
Cocullo, M.-L. (2014). Performer… sans anxiété: programme d’intervention pour réduire l’anxiété de performance en milieu scolaire.
CTREQ. (2020). L’anxiété de performance à l’arrivée au secondaire : un mal généralisé. Récupéré à https://rire.ctreq.qc.ca/anxiete-de-performance-secondaire/
Curran, T. et Hill, A. P. (2019). Perfectionism is increasing over time: A meta-analysis of birth cohort differences from 1989 to 2016. Psychological bulletin, 145(4), 410.
Liebert, R. M. et Morris, L. W. (1967). Cognitive and emotional components of test anxiety: A distinction and some initial data. Psychological reports, 20(3), 975-978.
Paterniti, A. (2007). A pilot study comparing the efficacy of a mindfulness-based program to a skills-training program in the treatment of test anxiety (Long Island University, New York).
Plante, I., Dubeau, A., Guay, F., Antoine-Manseau, A. et de St-Hyacinthe, É. S.-J. (2009). Comprendre l’effet «Gros poisson-petit basin» lors de la transition du primaire vers des écoles secondaires avec ou sans selection sur le concept de soi, la motivation, l’engagement, la réussite et les aspirations scolaires des élèves. Projet n RP, 2010-2012.
Soucisse, M. et Heins, M.-P. (2021). L’anxiété de performance à l’enfance et l’adolescence: état des connaissances cliniques et scientifiques. Revue québécoise de psychologie, 42(3), 43-73. doi: https://doi.org/10.7202/1084579ar