Le haut potentiel intellectuel (HPI) est un sujet qui suscite actuellement un grand intérêt au Québec. En 2020, le ministère de l’Éducation a élaboré son premier cadre de référence visant à favoriser les interventions ajustées aux besoins de cette clientèle (MEES, 2020). Toutefois, l’engouement pour le sujet amène certains défis, dont le manque de consensus sur ce qu’est le HPI, sur son impact dans le fonctionnement général des enfants et sur la façon de l’évaluer.
Dans le présent article, nous nous alignerons avec la définition de Caron et al. (2021) qui conçoit le HPI et la douance intellectuelle comme des termes interchangeables. Nous brosserons un portrait rapide des élèves à HPI tout en adressant certains mythes qui circulent à leur sujet. Enfin, nous présenterons quelques pistes de réflexion pour accompagner les enfants doués au quotidien.
Caractéristiques des enfants doués
Selon Caron et al., le HPI se remarque principalement par une capacité d’apprentissage exceptionnellement efficace et rapide. Statistiquement, on parle ici d’un quotient intellectuel (QI) supérieur à 98 % de la population générale. Un modèle conceptuel populaire au Québec (Bégin-Auclair, 2021) est celui de Renzulli (2021) qui conçoit la douance intellectuelle comme l’intersection de trois caractéristiques fondamentales : les capacités intellectuelles élevées, l’engagement face à la tâche et la créativité.
Un enfant doué peut donc se distinguer par sa plus grande capacité à réfléchir de façon abstraite, à s’adapter à des situations ou à des problèmes nouveaux, à assimiler rapidement de nouvelles notions, à automatiser rapidement de nouvelles façons de faire, à établir des liens, à démontrer une grande curiosité, à poser un regard critique, etc. Si certains traits fréquemment associés au HPI se retrouvent aussi dans la population générale, les élèves doués en présentent une plus grande quantité simultanément et de manière plus prononcée que leurs pairs.
La douance : une force ou un défi ?
On entend souvent dire que les élèves doués sont plus à risque de certains problèmes, dont le décrochage scolaire. Certains auteurs avancent qu’environ 15 à 20 % des élèves doués seront des décrocheurs (Rimm, 2008 ; Robertson, 1991), une information qui a été repris maintes fois dans la littérature récente. Or, Matthews (2006) révèle des failles importantes dans la méthodologie des études ayant mené à cette idée.
Une étude auprès d’élèves inscrits à des programmes enrichis estime plutôt le taux de décrocheurs à environ 5 % parmi les participants recensés (Renzulli et Park, 2000). De plus, le décrochage y était dû principalement à des facteurs socioéconomiques (pauvreté, faible scolarité parentale, faible participation à des activités parascolaires, grossesses précoces, etc.).
Ensuite, une étude encore plus robuste (Matthews, 2006) identifiait les élèves à HPI à partir d’un test de QI supérieur au 95e percentile sur des tests d’intelligence. Sur une population de 7916 élèves sélectionnés, seulement 29 avaient éventuellement décroché, soit 0,37 % de l’échantillon total. Ainsi, les enfants à HPI semblent décrocher très rarement et pour des raisons qui ne sont généralement pas associées directement à leur douance.
Dans un même ordre d’idées, Caron et al. (2021) abordent de nombreux mythes répandus sur la douance intellectuelle actuellement. Les auteurs précisent :
« Contrairement à ce qui est largement véhiculé, les études scientifiques montrent que comparativement à leurs pairs tout-venant, les jeunes à HPI n’ont pas plus de problèmes à gérer leurs émotions, ni de difficultés relationnelles. Ils ne sont pas plus hypersensibles, perfectionnistes ou revendicateurs. De plus, leur cerveau ne fonctionne pas différemment, il est seulement plus rapide et efficient. Et enfin, la majorité de ces jeunes réussissent bien à l’école. Ils ne sont pas en situation d’échec et ils atteignent généralement des niveaux de scolarité plus élevés, en plus d’obtenir de meilleurs emplois » (p.56).
Les auteurs précisent toutefois que les enfants ayant un très haut potentiel intellectuel (THPI) peuvent présenter certains besoins particuliers, mais ces cas sont très rares (0,1 % des enfants).
Quelques pistes d’interventions…
Il est fort probable que les mythes véhiculés sur la douance amènent certains parents à s’inquiéter inutilement du sort de leur enfant à HPI et à investir dans des évaluations très couteuses alors que tout porte à croire que leur enfant continuera de bien évoluer dans le futur.
Dans le cas où un enfant à HPI expérimenterait des défis importants (échec scolaire, démotivation, dérégulation émotionnelle, opposition, problèmes d’apprentissage, inattention), le discours populaire pourrait induire en erreur des parents et des intervenants bien intentionnés en associant trop rapidement les difficultés de l’enfant à son HPI, ce qui risque de laisser pour compte la vraie racine du problème. Nous recommandons donc d’éviter d’adopter une « vision en tunnel » sur la douance et de considérer l’enfant dans son ensemble pour l’accompagner au quotidien.
Bien que les enfants à HPI vivent généralement moins de dysfonctionnements que les autres, cela n’empêche pas qu’ils ont des besoins particuliers qui méritent d’être pris en compte. Par exemple, on peut penser à leur offrir des opportunités d’enrichissement, de l’accélération scolaire, des défis sur mesure, etc. On peut aussi penser à structurer des activités dans lesquelles ils pourront socialiser et rencontrer des pairs qui partagent leurs intérêts. Des ressources sont présentées à la fin de cet article et elles regorgent d’idées et d’adaptations possibles pour soutenir le plein potentiel des enfants doués.
Au-delà de l’étiquette HPI, le ministère de l’Éducation (2020) préconise une approche centrée sur l’enfant et ses besoins spécifiques au lieu d’une approche uniforme ou balisée de façon rigide. Les enseignants sont donc de plus en plus sensibilisés à reconnaitre les traits associés à la douance chez tous les élèves et à fournir des adaptations ajustées en conséquence sans qu’une confirmation formelle d’un HPI soit nécessaire.
D’un autre côté, il est inévitable qu’un enfant doué vive certains inconforts associés à son HPI dans son parcours scolaire. Il devra parfois fournir des efforts en l’absence d’intérêt (exemple : dans une tâche simple et répétitive qui lui semble inutile), faire preuve de patience lorsque la matière est expliquée trop lentement pour lui, se plier à des règles paraissant superflues ou qui ne font pas son affaire, etc.
Si des adaptations peuvent être réalisées en milieu scolaire pour amoindrir ces barrières, nous recommandons de viser un équilibre. Au lieu de chercher à éviter systématiquement l’inconfort, il peut être tout à fait bénéfique pour un enfant doué d’y voir un sens plus large. Puisque ce genre de situation sera inévitable toute la vie durant, aussi bien en profiter pour développer une certaine endurance, une discipline personnelle, une tolérance à la frustration et d’autres habiletés plus subtiles, mais qui seront grandement utiles au long cours.
Selon vos valeurs familiales, ce genre de situation peut aussi favoriser des échanges spontanés sur la neurodiversité, le « vivre ensemble », le sens du devoir, la capacité d’empathie et contribuer au développement éthique et moral de votre enfant.
Enfin, les enfants à HPI sont reconnus pour être des enfants brillants et qui présentent généralement un fonctionnement égal ou supérieur à la moyenne des jeunes de leur âge. Ils sont aussi… tellement plus que ça ! Comme tous les enfants, ils sont des êtres infiniment complexes et différents les uns des autres.
Certains profiteront de leur facilité à apprendre pour viser l’excellence académique avant tout. Pour d’autres, cette facilité leur permettra d’explorer aisément des intérêts différents comme le sport, la musique, l’humour, les arts, etc. Enfin, plusieurs ne chercheront qu’à éviter d’endosser un statut « d’élève excellent » qu’ils perçoivent comme un frein à leur intégration sociale (Lagacé-Leblanc et al., 2021). Ainsi, il est possible que parfois, la meilleure intervention à mettre en place pour un enfant à HPI soit de le traiter comme les autres, ni plus ni moins.
Par François Royer, psychologue chez Parcours d’enfant.
Quelques ressources :
– https://hautpotentielquebec.org/
– Plateforme d’apprentissage en ligne de l’UQTR (MOOC) sur l’éducation des élèves doués : https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=1318&owa_no_fiche=42
– 10 questions sur… : La douance et la double exceptionnalité. Par Caron M-J., Duval, J., Guay, M-C., Authier, E., Attié, M. Éditions Midi Trente.
– 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel. Par Dr Olivier Revol, Robera Poulin et Doris Perrodin. Éditions Tom Pousse.
Références